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Stage photographie au collodion humide

13 juillet 2010

Le dimanche 4 juillet, j’ai suivi un stage de photographie au collodion humide, organisé par Edouard Franqueville, photographe actuellement en études aux Beaux-Arts de Paris (décidément très présent dans ma vie ces jours-ci !). J’ai vu l’annonce du stage sur le forum des grands formistes français, les photographes qui utilisent des chambres pour réaliser leurs images, et dont je fais partie !

La matinée a commencé par un bref rappel théorique de la méthode et on est passé à la pratique par la suite. C’était agréable et calme, il n’y avait que cinq stagiaires dont Damien, le propriétaire de la boutique photographique Sels d’argent / Black Baryt qui avait prêté ses locaux pour le stage.

Le collodion humide est un procédé photographique inventé vers 1850 par Frederick Scott Archer ou Gustave Le Gray en fonction de la littérature. Cette technique permet de créer une image sur une plaque de verre qui deviendra le support définitif. L’objet final est unique, c’est un négatif et un tirage à la fois (un peu comme un Polaroid qui est un objet en soi et qui s’affranchit de l’étape de développement du négatif).

Voici un exemple de deux plaques de verre réalisées pendant le stage.

Deux ambrotypes sur fond noir. Paris. 2010.

Deux ambrotypes sur fond noir. Paris. 2010.

Lorsque la plaque de verre est présentée à la lumière, on voit l’image en négatif. On parle alors de négatif  – pas d’autre appellation à ma connaissance –  et il faut prévoir à la prise de vue une exposition adéquate car le rendu de la plaque comme tout autre support transparent photographique est différent de son rendu en positif. Le temps de révélation change aussi : il est bien plus long que pour un positif.

Pour obtenir une image positive justement, une fois la plaque de verre révélée et fixée, la différence principale réside dans la nature du fond sur lequel sera présentée la plaque. Il suffit de mettre un fond noir pour faire apparaître l’image en positif. Sur les photos présentes dans cet article, j’ai juste mis un volet noir dans le scanner et pour la photo ci-dessus, le fond est un coussin noir. On peut aussi, de manière définitive, ajouter de la laque sombre sur le côté non exposé de la plaque de verre. On parle alors d’ambrotype. L’ambrotype est le nom plus sexy pour désigner une image photographique positive réalisée au collodion humide.

Trois particularités avant de commencer à parler des principales étapes de la technique au collodion :

  • l’émulsion utilisée pour le collodion est orthochromatique c’est-à-dire qu’elle ne perçoit pas le rouge. L’avantage est que l’on peut utiliser la lumière inactinique pendant la préparation. Cette lumière rougeâtre est présente dans tous les laboratoires photographiques pour voir ce que l’on fait sans voiler les films ou papiers. L’inconvénient est qu’il est presque impossible de déterminer avec précision l’exposition avant la prise de vue. Il devient donc souhaitable d’utiliser la technique des « bandes-test », chère aux passionnés d’argentique. Il y aura donc une photo pour rien (une plaque de verre) qui permettra de définir l’exposition correcte.
  • l’ensemble de la procédure doit être réalisé rapidement. Du moment où l’on coule le collodion sur la plaque au développement de cette même plaque après la prise de vue, il ne doit pas s’écouler plus de 10 minutes ! A l’époque (milieu du XIXème), les photographes devaient avoir leur laboratoire à portée de main et installaient donc une tente à proximité de la scène à photographier pour la préparation de la plaque et son développement.
Laboratoire photographique mobile. Crédits inconnus.

Laboratoire photographique mobile. Crédits inconnus.

  • Enfin, l’émulsion est très peu sensible : de l’ordre de 1 à 2 ISO. Le sujet ne doit donc pas bouger pendant la prise de vue. Pour du portrait par exemple, le modèle est censé rester immobile pendant 15 à 30 secondes consécutives !

Voici une liste des actions à mener pour les étapes de la réalisation d’une image au collodion humide :

  1. Nettoyage d’une plaque de verre à l’alcool
  2. « Coulage » du collodion humide sur la plaque. Le collodion permettra d’avoir une émulsion homogène et jouera le rôle de liant entre la plaque et le nitrate d’argent (la substance à l’origine de l’image)
  3. On plonge alors la plaque dans un bain de nitrate d’argent (l’émulsion) pendant quelques minutes
  4. A la sortie, on sèche le côté qui ne servira pas pour la formation de l’image
  5. On insère la plaque de verre dans un châssis, dans le cas d’une chambre photographique
  6. La prise de vue se fait de manière classique, au calcul de l’exposition près
  7. On extrait la plaque du châssis pour l’asperger du révélateur puis elle part dans le bain du révélateur et celui du rinçage
  8. Au bout de quelques minutes, on peut l’enlever et la sécher directement avec la flamme d’un briquet (ou utiliser une lampe à huile), sur le côté non impressionné bien évidemment

La plaque est prête pour être scannée (négatif) ou présentée sur fond noir (positif appelé ambrotype).

En vidéo, vous pouvez apprécier le travail de Quinn Jacobson (qui a fait de la technique au collodion humide sa spécialité). Dans cet extrait, il prépare une plaque de verre immense et présente toutes les étapes, de la préparation avant la prise de vue à l’image finale :

Je conclus cet article en images avec les deux ambrotypes présentés de manière plus académique ici, après les avoir scannés :

Ambrotype #1

Jean-Romain. Paris. 2010.

Jean-Romain. Paris. 2010.

Ambrotype #2

Natalya. Paris. 2010.

Natalya. Paris. 2010.

Natalya a fait une plaque bien plus propre que la mienne. Elle l’a préparée pour la vue suivante et je l’ai photographiée. Pour ma part, j’ai eu du mal à étaler correctement le collodion.  Mais si je peux récupérer sa plaque au cours des prochains jours, je la scannerai et mettrai à jour l’article pour rajouter son image.

Mise à jour : voici la plaque faite par Natalya.

Préparation et développement de la plaque : Natalya. Prise de vue : Jean-Romain. Paris, 2010.

Préparation et développement de la plaque : Natalya. Prise de vue : Jean-Romain. Paris, 2010.

Dernier point, on ne sort pas indemne d’un stage au collodion humide : l’étape de récupération de la plaque dans le bain de nitrate d’argent laisse des traces… pendant une semaine !

Coulures de nitrate d'argent sur les doigts. Les traces restent une semaine.

Coulures de nitrate d'argent sur les doigts. Les traces restent une semaine.

PS : vous noterez mon hommage involontaire à Michael Jackson sur ma photo ;-) !