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Récupération des hautes et basses lumières avec le Nikon D700

23 janvier 2010

Tout comme une équipe de tournage cinéma teste son matériel avant chaque projet, il me semble important de connaître les possibilités de mon dispositif photographique. C’est d’autant plus utile que les capteurs actuels permettent des prouesses techniques vraiment impressionnantes, à la limite de la magie !

Objectif du test

J’ai constaté que mon boîtier Nikon D700 pouvait récupérer des informations dans les basses lumières de manière assez étonnante. Lors de la retouche de mes photos, si j’augmente numériquement l’exposition ou si je monte les basses lumières pour faire ressortir certaines zones du sujet, je veux savoir dans quelle mesure je peux le faire et quels seront les effets de bord d’une telle action.

L’objectif de ce test est donc de déterminer comment le capteur du boîtier que j’utilise se comporte dans les basses lumières et jusqu’où peut-il aller pour récupérer des détails dans les zones d’ombre. Par la même occasion, j’en ai profité pour étendre l’expérience aux hautes lumières, domaine très critiqué en photographie numérique puisque les possibilités de récupération sont moins importantes qu’en argentique.

Protocole de test

La principe du test est de prendre en photo un nuancier coloré et un autre en noir et blanc, et de faire varier l’exposition. Le cadre reste le même, ce ne sera que l’exposition qui changera par incrément et décrément de crans (un cran = un diaphragme = un stop pour les anglophones).

Le dispositif de prise de vue est le suivant. La scène est éclairée naturellement par la lumière du jour qui passe au travers d’une fenêtre.

Le sujet est un triplet : nuancier couleur, nuancier noir et blanc et charte gris neutre.

Le sujet est un triplet : nuancier couleur, nuancier noir et blanc et charte gris neutre.

L’appareil photo utilisé est un Nikon D700. Une télécommande filaire que l’on ne voit pas sur la photo permet de déclencher l’obturateur. Le zoom, un Nikkor 24-70 mm à ouverture F2.8 constante est paramétré pour ouvrir à F4.0 dans ce cas.

Appareil photographique Nikon D700 avec un zoom 24-70 mm F2.8. Le déclenchement est assuré par une télécommande filaire.

Appareil photographique Nikon D700 avec un zoom 24-70 mm F2.8. Le déclenchement est assuré par une télécommande filaire.

Voici une photo vue depuis l’arrière de l’appareil. La balance des blancs a été définie à « Soleil », ce qui suffit pour ce type d’application. En la corrigeant sous Lightroom par la suite via la pipette pour la positionner sur la charte gris neutre, je trouve le rendu trop chaud et moins fidèle !

La scène "vue" depuis l'appareil photo. Ici, le Nikon D700 de dos.

La scène vue depuis l'appareil photo. Ici, le Nikon D700 de dos.

D’un point de vue technique, voici la configuration du boîtier :

  • Diaphragme : F4.0
  • Vitesse : 1/5 sec (pour l’exposition de référence, reprise de la mesure faite au posemètre en lumière incidente)
  • Sensibilité : 200 ISO (correspondant aux meilleures capacités du capteur pour cet appareil)
  • Mode d’enregistrement : JPEG fin + RAW (NEF) 14 bits sans compression
  • Logiciel de traitement : Lightroom 2.6 avec les réglages par défaut

La mesure d’exposition a été faite en lumière incidente, au milieu du cadre.

Mesure de l'exposition en lumière incidente. Valeur donnée par le posemètre pour 200 ISO : F4.0 et 3/10 de diaphragme et 1/4 sec.

Mesure de l'exposition en lumière incidente. Valeur donnée par le posemètre pour 200 ISO : F4.0 et 3/10 de diaphragme et 1/4 sec.

J’ai permuté mon appareil, pour l’exposition, dans le mode par incrément d’1/3 de diaphragme. Je préfère garder des crans entiers mais pour ce test, il fallait être exactement conforme à l’exposition donnée par le posemètre.

J’aurais pu reculer le sujet pour perdre en lumière et « rejoindre » un cran entier (1/2 sec à F4.0) mais j’aurais perdu en lumière et pour les surexpositions, cela aurait fait augmenter le temps des poses et les poses longues ne sont pas très propices aux tests techniques. Quant à avancer le sujet, ce n’était physiquement pas possible, comme le montre la première photo de cet article.

L’exposition de référence sera donc : 200 ISO, F4.0, 1/5 sec. Elle correspond en quelque sorte au « Gris 5″ d’Ansel Adams.

Vue d’ensemble du résultat

Pour se concentrer sur l’essentiel, toutes les photos ont été recadrées : le blanc du fond qui entoure les chartes a été exclu du cadre par le passage au format carré.

Le résultat des différentes expositions, sans traitement dans Lightroom est présenté dans ce tableau.

Résultat des photos de -10 EV à + 5 EV. Rendu par défaut (pas de traitement dans Lightroom).

Résultat des photos de -10 EV à + 5 EV. Rendu par défaut (pas de traitement dans Lightroom).

En effectuant une lecture très rapide, sur la charte gris neutre tout en bas (celle qui est coupée), on peut conclure déjà que le capteur a, au minimum, une dynamique de 8 diaphragmes (on peut discerner tous les niveaux, dans cette zone, allant de – 3 EV à +4 EV).

Nous allons voir que malgré les apparences, toute la première ligne (-10 EV à -6 EV) contient des informations alors que pour les hautes lumières (dès +3 EV on commence à atteindre les limites du capteur).

Récupération des basses lumières

Le but est de pousser l’exposition pour essayer d’atteindre au maximum l’exposition idéale étiquetée « 0 EV » dans le tableau précédent.

Etant donné qu’il faut jouer sur plusieurs éléments du post-traitement d’une photo, je l’ai réalisé au cas par cas. La méthode est manuelle et l’appréciation subjective. Les curseurs qui ont été actionnés dans Lightroom :

  • Exposition
  • Luminosité
  • Lumière d’appoint
  • Noirs
  • Tons clairs, teintes claires, teintes sombres, tons foncés
Récupération des basses lumières à -1 EV.

Récupération des basses lumières à -1 EV.

Récupération des basses lumières à -2 EV.

Récupération des basses lumières à -2 EV.

Récupération des basses lumières à -3 EV.

Récupération des basses lumières à -3 EV.

Récupération des basses lumières à -4 EV.

Récupération des basses lumières à -4 EV.

Récupération des basses lumières à -5 EV.

Récupération des basses lumières à -5 EV.

Récupération des basses lumières à -6 EV.

Récupération des basses lumières à -6 EV.

Récupération des basses lumières à -7 EV.

Récupération des basses lumières à -7 EV.

Récupération des basses lumières à -8 EV.

Récupération des basses lumières à -8 EV.

Récupération des basses lumières à -9 EV.

Récupération des basses lumières à -9 EV.

Récupération des basses lumières à -10 EV.

Récupération des basses lumières à -10 EV.

Le bruit apparaît légèrement à partir de -3 EV quant à la perte franche de netteté, c’est à partir de -5 EV qu’elle est réellement visible.

Malgré tout, à -10 EV il y a encore une quantité non négligeable de détails et les couleurs, bien que bruitées, sont toutes fidèles. Avec un bon traitement anti-bruit, cette dernière photo est presque exploitable si on accepte son bruit !

Récupération des hautes lumières

Voici le résultat pour les photos surexposées.

Récupération des hautes lumières à +1 EV.

Récupération des hautes lumières à +1 EV.

Récupération des hautes lumières à +2 EV.

Récupération des hautes lumières à +2 EV.

Récupération des hautes lumières à +3 EV.

Récupération des hautes lumières à +3 EV.

Récupération des hautes lumières à +4 EV.

Récupération des hautes lumières à +4 EV.

Récupération des hautes lumières à +5 EV.

Récupération des hautes lumières à +5 EV.

En surexposition, le capteur est beaucoup moins permissif. Dès +2 EV, on perd toutes les couleurs pâles (donc les tons chairs) du haut de la charte couleur. Ces couleurs se transforment en niveaux de gris.

La dynamique du capteur est réduite franchement à partir de +3 EV : les niveaux de gris de la charte gris Kodak perdent l’étendue de nuances du blanc au noir. Il ne reste plus qu’une dizaine de valeurs là où précédemment il y en avait le double. Sur cette même image, celle à +3 EV, on a aussi perdu totalement le jaune (pâle et vif).

L’image à +4 EV accentue les effets précédents, elle est presque en noir et blanc.

A +5 EV, le gris de la charte d’en bas est devenu complètement blanc. On est en dehors des possibilités du capteur.

Que faut-il conclure de ce test ?

Plusieurs conclusions sont à tirer de cette expérience :

  1. Le capteur est meilleur en basse lumière qu’en haute lumière (au sens sous-exposition et surexposition)
  2. Il vaut mieux sous-exposer que surexposer une photographie avec ce type de matériel
  3. Les couleurs sont conservées, même pour les images très fortement sous-exposées
  4. La qualité du capteur et l’encodage sur 14 bits de l’image permet de récupérer des détails même sur une photo apparemment absolument noire
  5. Ne pas sous-estimer les possibilités de post-traitement d’une « image ratée » car mal exposée
  6. La dynamique de 12 stops, mesurée par DxoMark est bel et bien réelle mais pas équilibrée de part et d’autres du gris neutre. Elle penche plus vers les zones sombres.

Quelques anecdotes

Impact du temps de pose sur les possibilités de récupération

Lors des poses longue, j’ai préféré doubler les photos, en gardant la même exposition mais en changeant le couple vitesse/diaphragme pour voir s’il y avait une différence. Bonne idée parce qu’effectivement les possibilités de récupération différent en fonction de temps de pose !

Instinctivement, j’aurais dit que plus le temps est court, plus le capteur est dans son comportement normal et donc qu’il donne le meilleur de lui-même sauf que ce n’est pas le cas. En ouvrant d’un cran le diaphragme et réduisant dès lors de moitié le temps d’exposition, le fichier comporte moins d’information à récupérer : la preuve en image.

Impact du temps de pose sur les possibilités de récupération.

Impact du temps de pose sur les possibilités de récupération.

Au niveau du « M » de l’image de droite, la zone est légèrement grise alors que sur la photo au temps de pose plus court, la barre est totalement blanche. De même, la case correspondant au cyan vif présente moins d’artefacts sur la photo à 3 secondes de pose que sur celle à 1,6 secondes.

Je ne crois pas que ces différences proviennent du diaphragme puisque ce dernier joue sur :

  • la profondeur de champ (pas importante ici, le sujet est plan)
  • les aberrations chromatiques (ce n’est pas un sujet sensible aux franges de couleur)
  • le vignetage à pleine ouverture (les photos présentées sont des recadrages de la partie centrale de la photo, non sujette aux coins d’image plus sombres dès qu’on s’éloigne du centre)

Différences de traitement entre Lightroom et Photoshop

En essayant d’obtenir le maximum d’information à partir des mêmes fichiers, je me suis rendu compte que Lightroom était bien meilleur que Photoshop CS4 ! Quand je parle de Lightroom, j’inclue aussi Adobe Camera Raw.

Si par exemple j’envoie une image à Photoshop CS4 depuis Lightroom (l’image en NEF 14 bits), Photoshop ouvre la photo mais en appliquant le même réglage que sur Lightroom, une baisse d’exposition de 3 EV, le résultat est totalement différent. L’image importée dans Photoshop est pourtant bien sur 16 bits.

L’algorithme « Exposition » des deux logiciels est peut-être différent mais même lorsque j’essaie d’obtenir le même résultat que Lightroom sous Photoshop avec des outils comme les courbes, les niveaux ou luminosité/contraste, je n’y arrive pas non plus !

Différences des possibilités de récupération en fonction du logiciel utilisé.

Différences des possibilités de récupération en fonction du logiciel utilisé.

Si un lecteur généreux arrive à expliquer ce comportement, qu’il n’hésite pas à me contacter par mail : photo@jrpac.com.