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Arte : Grand’art, P’tit critique

26 octobre 2010

Ce week-end, alors que je me baladais sur le site d’Arte, je suis tombé sur la page d’une émission sur la peinture : Grand’Art. « Chouette ! » me dis-je intérieurement. Que cette chaîne a une programmation géniale, riche et qualitative ! C’était sans compter sur le présentateur et critique d’art qui anime l’émission, Hector Obalk.

Ses interventions sur Rive droite / Rive gauche étaient déjà assez brouillon et peu intéressantes (ses avis très personnels baignaient dans le banal) mais à la lecture de son émission sur Ingres, je crois qu’il a touché le fond.

Le principe de Grand’Art est simple : Hector Obalk revisite une partie de l’histoire de l’art en filmant les tableaux et en les commentant. Là, il nous parle du peintre Ingres et commence par la peinture Venus anadyomène exposée au Musée Condé à Chantilly.

Vénus anadyomène. 1848. Jean-Auguste-Dominique Ingres. Musée Condé.

Vénus anadyomène. 1848. Jean-Auguste-Dominique Ingres. Musée Condé.

Alors qu’il zoome sur la toile et se déplace à l’intérieur avec des mouvements de caméra, Hector Obalk nous relate son opinion. Il se met devant la peinture et parle :

Donc là j’ai la preuve que c’est une merde.

C’est donc une vénus qui sort de l’eau. Pourquoi je n’aime pas beaucoup ce tableau ?

D’abord parce que sa tête est assez affreuse, on descend et les enfants sont vraiment moches quoi, par rapport à Corrège. C’est pas beau ces enfants là, c’est d’une mièvrerie alors regardez-bien, je sais pas si vous voyez quelque chose ; la mousse qui est censée être de l’écume de l’eau est nulle pictoralement, ça rend pas du tout l’écume de l’eau, le corps de l’enfant est vraiment horrible. Et puis alors c’est très laid son effet de dégradé sur la mer là, une kitscherie de restaurant italien çà, r’garde moi ça, regarde moi ces dégradés affreux là, t’as vu le restaurant de fruit de mers là. Sexe féminin, c’est pas bon. C’est pas bon. Le bras est toujours trop gros. Regarde le bras de camionneur tout d’un coup regarde là avec une épaule de jeune fille regarde ça ! Non mais regarde-moi ces bras attends t’y crois pas !

Il se met à rire de manière cynique. Et moi je pleure, je pleure virtuellement en me disant qu’Arte puisse cautionner ce genre de propos. On peut dépoussiérer l’histoire de l’art, l’aborder de manière vivante, actuelle et non ennuyeuse sans avoir à utiliser un ton si irrespectueux et méprisant. Jean-François Zygel nous parle avec simplicité et passion de la musique classique pour la rendre plus accessible et plus comprise. C’est tout aussi possible en art. Durant les divers cours que je suis à l’Ecole du Louvre, beaucoup de conférenciers restent humbles et sympathiques face aux œuvres, même envers celles qu’ils n’aiment pas.

Arte, dans le descriptif de l’émission nous dit « Non sans une certaine insolence quand il moque ses « dégradés kitsch dignes de restaurants italiens », Hector Obalk sonde aujourd’hui l’oeuvre de l’auteur de La baigneuse Valpinçon ». A quoi bon l’insolence si elle est sinistre et cynique ? Je l’aime bien moi l’insolence, lorsqu’elle est emprunte d’humour. Rappelez-vous Laurent Baffie qui demande à Jean-Pierre Chevènement en micro-troittoir : « Une question Jean-Pierre, lorsqu’on est connu, c’est plus facile avec les gonzesses ou c’est plus difficile ?! » (voir la vidéo).

Rien de cela chez Hector Obalk, on découvre avec désarroi une argumentation pauvre, qu’il confesse lui-même dans l’émission sur Ingres. La pilule de l’irrespect et de la déconsidération du travail de l’artiste est encore plus difficile à avaler lorsque certains passages du critique d’art semblent refléter une certaine méprise sur l’appréciation d’une œuvre d’art.

Une Odalisque. 1814. Jean-Auguste-Dominique Ingres. Photo : © Musée du Louvre / A. Dequier - M. Bard.

Une Odalisque. 1814. Jean-Auguste-Dominique Ingres. Photo : © Musée du Louvre / A. Dequier - M. Bard.

Face à la Vénus en Odalisque, il confond l’exactitude et la justesse :

Là je pense qu’il y a quelque chose qui ne va pas là. Je sais pas, il y a un truc qui déconne dans le talon. Regarde, la monstruosité de Francis Bacon tu sais quand il fait les chairs difformes, c’est pas un Bacon ça ? On se demande… ça pourrait être un coude ! C’est n’importe quoi.

L’observateur n’attend pas qu’un tableau soit une reproduction exacte de la réalité. Michel-Ange a volontairement cassé légèrement certaines proportions en faisant des mains et des pieds plus grands que la normale. Cela lui semblait certainement plus juste, plus esthétique ou répondait à une vision personnelle non commune qui faisait son génie.

Arte m’a déçu et Hector Obalk une désastreuse re-découverte. Qu’importe, je continuerai à me délecter des reportages subtiles et instructifs des autres émissions. Récemment, j’ai appris l’existence d’un musée des arbres à Zürich grâce à Métropolis et j’ai suivi l’artiste Robert Combas dans l’excellente émission l’Art et la manière.