JRPAC

La futilité est un signe d’évolution !

7 décembre 2009

Quelle folie d’aller s’asseoir dans le fauteuil rouge profond d’une salle de concert et d’écouter, transporté, un concerto de Tchaïkovski !

Quel délice d’oser prendre sur son temps pour remplir de couleurs harmonieuses une feuille de papier, dessiner et s’exprimer.

Enfin, quel luxe de pouvoir aller dans un parc, prendre place sur un banc et, muet, penser à sa condition voire à l’humanité.

Me voilà de retour de la projection du film La route, tiré du roman éponyme de Cormac McCarthy. Il présente la vie quotidienne d’un père et son fils, dans un univers post-apocalyptique. Ils doivent manger, survivre, marcher et tentent d’éviter le cannibalisme malgré leur faim. Leur vie est brute, sans répit. Dans un monde pareil, la tranquillité semble être un néologisme. Même s’il s’agit d’une fiction, il fut un temps sur Terre où l’ensemble des êtres humains devaient avoir une vie similaire.

En regardant la vie d’un occidental moyen, le contraste est saisissant. Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, on insère un plat cuisiné dans le four à micro-ondes et deux minutes plus tard, notre repas est prêt et son besoin oublié ?

L’évolution.

L’homme a trois besoins : se nourrir, dormir et se reproduire. Toute l’évolution de l’humanité s’est efforcée de travailler sur ces trois points pour qu’ils ne représentent plus de problème à l’homme dans sa vie de tous les jours. Il n’a plus à s’en préoccuper et peut donc passer au palier supérieur.

Pyramide de l’activité humaine en fonction de l’évolution.

Pyramide de l’activité humaine en fonction de l’évolution.

Il existe une pyramide des priorités, variant plus ou moins en fonction des cultures. Chacun pourrait créer la sienne, je vous présente ci-dessus comment je vois l’évolution humaine. La définition même d’évolution est très subjective : les moines tibétains n’auront certainement pas la même définition que certains milliardaires ultra-matérialistes mais qu’importe, il y a malgré tout des points communs.

Le premier fait de l’évolution humaine porte sur la pensée. Tout être humain n’a pas le luxe de philosopher. La philosophie, représentée en rouge dans le schéma (pensée) suppose d’être serein, donc d’avoir du temps et de vivre dans un certain confort matériel.

Pouvoir penser aux choses qui nous entourent et analyser notre rapport au monde n’est pas du tout lié à la structure mentale de l’individu. En d’autres termes, même les imbéciles peuvent philosopher ! Par contre, le mineur – intelligent ou pas – qui travaille douze heures par jour à casser de la roche tous les mois de l’année, qui n’a pas de vacances et qui dort dans une habitation bruyante n’aura que peu de chance de se voir philosopher un jour sur sa condition. Effectivement, cela suppose du temps et un environnement apaisant.

Le but de l’évolution humaine, à mon sens, est que ce luxe n’en soit plus un. Une société moderne, idyllique à la préhistoire, serait que l’ensemble des êtres humains passent leur temps à s’amuser, rigoler, créer, écouter de la musique, discuter. Arriver à cet état signifierait que les premiers paliers de l’évolution, en suivant le schéma sont acquis et que les Hommes ne se concentrent que sur le haut de la pyramide. Tout le monde aurait une maison chauffée, avec l’eau courante et l’électricité, elle serait reliée à Internet et on se déplacerait avec une grande mobilité.

On pourrait alors disserter sur l’avenir de l’Homme, ou plus futilement se demander si « le prout, c’est chic ? » (le blog de Daphné Burki est une véritable agence de publicité pour le futile. Et, sérieusement, c’est une grande marque d’évolution humaine !) ou enfin faire une soirée beauf-revival en écoutant du Joe Dassin sous-titré en japonais.

De même, les notions de plaisir et d’humour n’ont rien de systématiques. Si le rire est presque une exclusivité humaine (à l’exception du singe, et de quelques rares autres animaux qui jouent entre eux), il est fortement lié au cadre dans lequel on vit, aux conditions sociales. Il est évident qu’une vie dure, comme celle des héros du film La Route, n’est pas du tout propice à l’humour. Ce dernier répond donc d’un certain confort « matériel ».

Je crois donc en la futilité. Longtemps je me suis demandé ce qui m’intriguait chez certaines personnes (surtout des filles), il s’agissait de cette légèreté dans l’appréciation de la vie. Pénélope Bagieu (mais aussi Les Pintades) en fait partie par exemple. Ses histoires sont fraîches, simples et marrantes ! Elles font du bien au cerveau car nous éloignent de nos besoins primaires, pulsionnels.

La futilité est donc un hymne au plus haut niveau de l’évolution humaine, selon les valeurs occidentales malgré tout. C’est une sorte de Graal à atteindre et dont la route présente entre autres points de contrôle toute la culture Pop des années 60-70.

Le seul point inquiétant dans tout ça, et je ne m’étendrai pas dessus car l’heure est suffisamment au pessimisme, c’est l’extrême polarité des conditions sociales. Comment dans un pays comme la France, peut-on encore trouver des êtres qui essaient de survivre, comme les sans-abri par exemple : attaqués, affamés comme des animaux et sur le trottoir d’en face une personne s’amusant sur son téléphone portable pour atteindre le dernier niveau de son jeu vidéo à grands renforts de sabres laser en pixels ?!

Quoiqu’il en soit, les activités qui n’ont pas d’importance profonde représentent un cap du confort matériel. La spiritualité, grande absente de cet article, pourrait finalement n’être qu’une étape vers le palier supérieur.

Arriver à la futilité, c’est atteindre un niveau de sagesse, dicté certes par une aisance matérielle mais aussi par une liberté de l’esprit, qui s’inscrit dans le présent.

Citroën 2CV, Pays-Bas, 2009.

Citroën 2CV, Pays-Bas, 2009.